| En quelques semaines, la mesure a réussi à faire quasiment l'unanimité contre elle. L'augmentation de la TVA sur les abonnements "triple play" (Internet, télévision, téléphonie fixe) a, sans surprise, été critiquée par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI), puis par les associations de consommateurs et l'opposition, et enfin par la Sacem (auteurs et éditeurs de musique), qui craint que cela n'ait des conséquences sur le téléchargement légal, et par la SCAM (auteurs multimédia). |
Comment en est-on arrivé là ? Tout part d'une spécificité de la TVA pour les abonnements triple play, généralement vendus autour de trente euros par mois. Le taux de TVA qui s'y applique n'est pas uniforme : en vertu d'un accord entre l'Etat et les fournisseurs d'accès à Internet, la moitié de la facture est soumise à un taux de TVA normal de 19,6 %, tandis que l'autre moitié bénéficie d'un taux de 5,5 %, censé porter sur la partie "télévision" de l'offre. En contrepartie de ce taux réduit, les FAI s'engagent à financer un fonds du CNC dédié à la création cinématographique, auquel ils versent entre 60 et 100 millions d'euros par an, pour une économie sur la TVA estimée à 200 millions. BRAS DE FER ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LES FOURNISSEURS D'ACCÈS Mais fin avril la Commission européenne conteste la manière dont le taux réduit est appliqué. Bruxelles estime que la TVA réduite ne peut s'appliquer que de manière stricte sur la partie télévision, et notamment pas "dans les cas où les FAI savent pertinemment que la télévision n'est pas susceptible d'être utilisée par l'abonné". Fin août, Les Echos révèlent que l'Elysée envisage de réduire la part de la facture imposée à 5,5 %, pour augmenter ses rentrées fiscales et satisfaire la demande de Bruxelles. S'ensuit alors une avalanche de réactions, alors que l'hypothèse d'un passage pur et simple à 19,6 % pour l'ensemble de la facture se précise : les principaux fournisseurs d'accès à Internet protestent et annoncent qu'ils ne pourront manquer de répercuter la hausse, soit deux à trois euros. Le gouvernement et les FAI se renvoient alors la balle : Maxime Lombardini, le directeur général de Free [dont le fondateur, Xavier Niel, fait partie d'un trio d'investisseurs négociant une prise de participation majoritaire dans le groupe Le Monde], accuse le gouvernement d'utiliser l'avertissement de Bruxelles comme "prétexte" à une augmentation d'impôts. Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'Etat à l'économie numérique, réplique en accusant les FAI de "prendre ce problème de TVA qui est connu depuis des mois comme prétexte, et comme prétexte unique", pour augmenter les forfaits. Le 9 septembre, sur les ondes de Radio Classique, la ministre de l'économie, Christine Lagarde, confirme qu'une hausse générale du taux de TVA est bien à l'étude, mais qu'il s'agit d'une simple mise en conformité avec les règles européennes. "Bruxelles est légitimement venue mettre son nez là-dedans et nous a dit 'vous êtes en train de réaliser une opération de réduction de TVA dans un domaine qui n'est pas autorisé, merci de bien vouloir relever votre taux'", explique-t-elle alors. LES OPÉRATEURS RÉPERCUTERONT SUR LES CLIENTS Mais le lendemain, c'est la Commission européenne qui intervient dans le débat : "La Commission européenne n'a pas demandé à la France d'augmenter la TVA" sur les offres triple play, assure un de ses porte-parole. Pour Bruxelles, le taux réduit de 5,5 % peut continuer à s'appliquer sur la partie télévision, soit le tiers de la facture, sauf pour les clients qui n'ont pas accès à la partie télévision de l'offre. Entre-temps, l'Elysée a tranché : ce sera bien un passage à la TVA à 19,6 % pour l'ensemble de la facture, avec maintien de la contribution au CNC. Le discours du gouvernement s'ajuste : interrogée par Le Figaro, mardi, Christine Lagarde présente désormais cette hausse comme la simple suppression d'une niche fiscale, sans faire référence à la Commission européenne. Les fournisseurs d'accès, eux aussi, ont tranché. Si Bouygues Telecom n'a pas encore précisé dans quelle mesure la hausse serait reportée sur les factures, Orange a annoncé que la hausse serait intégralement répercutée. Quant à Free, il a opté pour une approche plus sibylline : le groupe précise qu'il maintiendra son forfait à 29,90 euros, mais qu'il y ajoutera une deuxième ligne intitulée "taxe Baroin-Sarkozy", correspondant à la hausse de TVA. source: lemonde Ecrire un commentaire |